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  • Peytavi presse (3)

    Peytavi presse (3)

  • photo presse Peytavi 2

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Pierryl Peytavi

New York

New York semble une sorte de passage obligé pour tout photographe qui cherche à se confronter au paysage urbain. Pierryl Peytavi y est précisément « de passage », équipé d’un matériel on ne peut plus primitif, un Brownie Flash trouvé dans un grenier et un sténopé (simple boîte percée d’un trou en guise d’objectif). Il saisit à la volée des fragments, des éblouissements, des apparitions fugaces, des interstices, comme les bribes d’un discours à peine audible qu’il érige en icônes révélatrices de l’identité profonde de la ville en perpétuel mouvement.

Pierryl Peytavi est d’abord un expérimentateur qui a voulu savoir comment son étrange boîte en bakélite voit le monde, comment elle transfigure la réalité pour en livrer ce qu’il nomme une « image-sensation » sensuelle et tactile, enclose dans son format carré comme un monde autonome. Cette vision de myope, qui est effectivement la sienne, relègue ce qu’il est convenu d’appeler la réalité au rang de fantôme, voire de fantasme. Pierryl Peytavi fait jouer comme des variables les conditions matérielles de la vision : en tenant son appareil à bout de bras, sans viser, en refusant d’éluder ce qui, parfois, obstrue la vue, en saisissant la ville depuis les fenêtres en mouvement d’un véhicule ou d’un train, à travers la vitrine sale d’un magasin. Il laisse au hasard sa part, à l’imprévu le risque de l’échec comme la chance du petit miracle inespéré.

Une poésie de la ville naît de l’indécision des formes, de la pauvreté des informations recueillies, du morcellement des vues urbaines disloquées parfois jusqu’à l’insignifiance. De ces insuffisances, de ces manques, naît la capacité de ces photographies puisées dans la banalité du quotidien à susciter l’étonnement ou même l’incrédulité. Cette distance prise avec le réel qui l’entoure, c’est celle de l’errant qui sait se laisser glisser sans but dans la ville pour s’y perdre et connaître l’une des plus grandes libertés qui soit.





Jean-Christian Fleury