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Sovan Philong

By Night

En dépit de son titre, la visite « by night » à laquelle nous convie Sovan Philong n’a rien à voir avec les parcours balisés réservés aux touristes noctambules qui affluent à Phnom Penh ou à Siem Reap, cette ville qui jouxte le site archéologique d’Angkor. La plupart des quartiers où il nous entraîne, un peu éloignés des centres-villes, sont dépourvus d’éclairage public et abritent toute une vie presque invisible, plongée dans la nuit tropicale.

Muni du seul éclairage que constitue le phare de sa motocyclette, le photographe pénètre comme par effraction dans la vie intime des habitants à cette heure tardive où, après le travail, chacun est renvoyé à sa vie familiale, à sa solitude ou simplement à son sommeil.

S’il préfère au flash le faisceau d’une banale motocyclette, comme en possède la plupart de ses compatriotes, c’est pour nous restituer, dans un souci d’authenticité de la perception, des scènes de la vie ordinaire nocturne telles que les perçoivent les Cambodgiens eux-mêmes. Le faisceau inquisiteur, dont il peut régler la puissance avec son accélérateur, pénètre jusque dans les maisons, cerne les corps, isole les scènes de leur contexte, théâtralise la réalité et la rend souvent étrange. Ces tranches de vie prélevées dans la réalité la plus crue se trouvent poétisées par la nuit.

En demandant à ses modèles de rejouer la scène qu’il vient de surprendre et qu’ils viennent de vivre, Sovan Philong déréalise encore un peu plus le spectacle qui s’offre à lui. Les attitudes, les expressions s’en trouvent légèrement surjouées, le reportage social glisse vers la fiction. En amenant chacun à se représenter, il fait de ses modèles non des proies saisies dans le halo d’un phare mais les acteurs d’une situation qu’ils nous livrent délibérément et qui, pourtant, n’en garde pas moins son mystère, bulle isolée dans la nuit sans avant ni après.


Jean-Christian Fleury