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  • © Arnaud Vareille

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Arnaud Vareille

La Nature des choses

Durant six ans, Arnaud Vareille a parcouru le monde afin de composer un improbable carnet de voyage qui s’apparente plutôt à une collection d’objets trouvés. Mais ne nous y trompons pas, le projet est plus ambitieux qu’il ne semble. Interroger les éléments du vivant dans leur essence même, à travers leur apparence, brouiller les pistes de la classification : c’est le propos que l’auteur s’est donné avec La Nature des choses.

Arnaud Vareille aime explorer les possibilités qu’offre la vision photographique. Après avoir expérimenté celles du flou dans la restitution du paysage ou avoir restreint son champ de vision au monde qui se trouve juste à ses pieds, il s’en tient cette fois à une vision presque macroscopique de la nature. La précision descriptive dont la photographie est capable est ici, paradoxalement, mise au service d’une approche volontiers ambiguë, parfois déroutante, où l’on s’égare avec délice et où il nous faut réapprendre à voir et à nous situer. Chez lui, le noir et blanc est en couleur, ponctué de taches jaunes stridentes tandis que le vert, trop attendu dès que l’on évoque la nature, est absent. 

Si Arnaud Vareille jette de la confusion, c’est pour y voir plus clair, c'est-à-dire plus profondément, dans ce qui relie entre elles les choses de la nature. Devant nos yeux, des rapports mystérieux se tissent entre un marbre noir, une écorce de pin calcinée, une algue écossaise et un alligator; les cumulus dialoguent avec les hortensias et les troncs des bouleaux; une fleur de tournesol nous fixe de son œil unique aussi perçant que celui d’une chouette harfang. Une grammaire aussi évidente qu’imprévisible régit ce discours à la fois poétique et riche de réflexions sur une biodiversité à laquelle Arnaud Vareille veut « rendre hommage », où l’animal, le végétal et le minéral sont en étroite interdépendance et où l’homme doit redéfinir sa place. Son engagement est subtil : ni paysages paradisiaques pour susciter la nostalgie, ni prouesses de photographie animalière pour provoquer l’admiration. C’est à portée de main, où que nous soyons, que ces « petites choses » nous attendent, nous interpellent, modestes et si essentielles.

Jean-Christian Fleury