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Catherine Griss

Yangon, entre temps

Entre 2011 et 2016, Catherine Griss s’est rendue en Birmanie à plusieurs reprises. A Rangun, aujourd’hui appelée Yangon, elle a assisté aux transformations de la société consécutives au Printemps birman et au début d’ouverture politique de la junte militaire au pouvoir depuis près de trente ans.

Elle nous révèle une ville en mutation, attentive à saisir les marques de la modernité et les symptômes d’un début de démocratie dans cette ancienne capitale détrônée depuis quelques années par Naypydaw, une ville créée de toutes pièces au milieu de nulle part.

Le changement politique, même relatif, modifie le visage de la ville dans ses aspects les plus spectaculaires comme les plus anodins : coexistence anarchique des bâtiments anciens et des signes de la modernité, émergence d’une jeunesse avide de liberté mais encore ancrée dans les traditions, irruption de la société de consommation au sein de modes de vie ancestraux, ruée sur les journaux désormais moins contrôlés.

Ce sont autant de thèmes récurrents à travers lesquels Catherine Griss saisit ce glissement, autant de touches qui composent son portrait urbain : les bâtiments coloniaux font place à des chantiers, promesses d’orgueilleuses architectures contemporaines, mais où pour l’instant le travail s’effectue à la main et à dos d’homme; d’innombrables lecteurs, tous âges confondus et en tous lieux, dévorent les dernières nouvelles avec une incroyable avidité; dans les pagodes, où l’on vient non seulement prier mais aussi se retrouver en famille, manger ou même dormir, des couples de jeunes gens se forment, arborant ces trophées de la modernité que sont les casquettes, les lunettes de soleil, les jeans ou les téléphones portables; la multiplication des boutiques de mode fait rêver les jeunes filles en sarong, celle des commerces d’équipement ménager ou de matériel vidéo dont les cartons d’emballage envahissent les trottoirs, fascinent les jeunes gens; entre deux affiches publicitaires destinées à un public qui, ici, n’existe pas encore, les petites échoppes occupent le moindre recoin disponible et les parasols multicolores qui les abritent cadrent la vision du promeneur. Emblèmes et symboles de cette société écartelée entre deux mondes, de grands portraits de jeunes femmes ponctuent cette déambulation au cœur d’une ville où le temps n’est plus un, mais à la fois s’accélère et résiste.

Jean-Christian Fleury