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Pierrot Men

La Grande île

Rarement un photographe ne s’est identifié à ce point avec sa terre natale. Pierrot Men a passé sa vie à photographier son île, Madagascar. Et avant de la photographier, il en peignait les habitants. Se distinguant radicalement de l’attitude du photographe-voyageur qui a besoin du dépaysement pour poser un regard neuf sur un monde qui le surprend, il confie : « Je ne photographie jamais aussi bien que ce que je connais... Je photographie donc mes propres souvenirs. ». Ainsi chaque image née de son univers familier est porteuse d’une histoire, d’un nom plus que d’un titre.
Aussi, depuis plus de trente ans, ses photos sont la mémoire visuelle de l’île, de sa vie quotidienne. Hommes et femmes, le plus souvent au travail, sont saisis dans leur environnement, dans leur rapport à la nature, à la mer, aux animaux, mais aussi à l’univers invisible peuplé par les esprits des morts. Pierrot Men privilégie les plans larges et les ciels chargés, où la lumière, véritable démiurge, magnifie les gestes quotidiens, où les ombres accompagnent les hommes tels des esprits familiers. La dignité de chacun, la beauté intemporelle des attitudes, la somptuosité des paysages n’exclut pas la dureté de la condition de ce peuple de paysans et de pêcheurs : «Derrière mes photos, il y a un certain drame qui se cache... Ce pays pourrait être un paradis. Il suffirait de peu pour qu’il le devienne.»

D’évidence, Pierrot Men maîtrise à merveille la composition tout comme les jeux de lumières (son nom, qu’il tient d’un père chinois, ne signifie-t-il pas « lumière ?» ). Il revendique pourtant une pratique instinctive dans le choix des sujets comme dans la forme : " Mon appareil est toujours avec moi. Lors de mes prises de vue, je comprends parfois tout de suite ce que je vois ; mais il m’arrive de ressentir les choses sans les comprendre, de faire confiance à mon instinct. Le reste est une histoire d’ébullition intérieure... En somme, je ne pourrais dire qu’une chose : je fais des images, juste des images… car réfléchir une image, c'est courir le risque de la voir disparaître. »

Le portrait de son île que Pierrot Men compose par petites touches au fil des ans relève d’une vision documentée et exhaustive en même temps que sensible et poétique. S’il sait si bien capter l’essence de son pays, c’est peut-être qu’il en fait partie et que le photographier revient pour lui à pratiquer un exercice d’introspection.

Jean-Christian Fleury