2 / 8

  • Nicolas Henry, Les Cabanes-2

    Nicolas Henry, Les Cabanes-2

  • Nicolas Henry, Les Cabanes-1

    Nicolas Henry, Les Cabanes-1

Nicolas Henry

Les Cabanes


Si Nicolas Henry parcourt le monde pour proposer à des grands-parents de construire des cabanes, c’est que, enfant, il le faisait déjà avec les siens et qu’il en a gardé le souvenir de moments exceptionnels de communication à travers une création et des gestes partagés. Parce que la cabane s’enracine dans l’imaginaire de l’enfance, que ses contenus symboliques et affectifs sont très forts, parce que sa construction réactive une pratique millénaire, elle est une idée qui transcende les différences culturelles.
Parti durant cinq ans à la recherche d’autres grands-parents dans les villes et les villages d’une quarantaine de pays, Nicolas Henry leur a proposé de construire, sur un lieu de leur choix, un abri provisoire, un espace symbolique élaboré à partir du récit que chacun fait des expériences les plus marquantes de sa vie. Faite de végétaux et de matériaux de récupération trouvés sur place, cette « cabane » renferme des objets personnels mis en scène conjointement par leur propriétaire et l’artiste. Née de la parole, elle va aussi la susciter : avec l’aide du village ou du quartier qui ont aidé à sa réalisation, l’installation se fait parfois monumentale et devient un lieu d’échange entre les souvenirs de l’ancien et ceux d’un public attiré par cet événement inhabituel.
Les photographies de ces architectures-événements donnent souvent une impression de fête joyeuse, parfois de mélancolie, toujours d’harmonie. Nicolas Henry travaille avec un minimum de moyens (quelques projecteurs et des cordes). Il aime créer des moments hors du temps, équilibrant ses lumières artificielles avec celle, chaude, de la tombée du jour. Si ces sculptures éphémères s’imposent dans la presque totalité du cadre lorsqu’elles explosent avec l’impétuosité d’un feu d’artifice, elles n’en occupent qu’une modeste part lorsqu’elles se font minimalistes, comme soumises à leur environnement.
Cette esthétique du bricolage, de la richesse simulée et de la pauvreté revendiquée résulte directement du règne tout-puissant de l’imagination ; celle qui fait de quelques tissus tendus sur des branches un palais, de quelques feuilles assemblées par des pinces à linge une forêt exubérante. On la retrouve dans les installations que le photographe crée autour de ses images, suscitant une mise en abyme, renvoyant l’écho visuel de ces cabanes et l’écho sonore des récits intimes dont elles procèdent. Ainsi, par les voies de la création partagée et d’un langage plastique universel – celui qui naît et se donne libre cours dans l’enfance –, la parole lointaine et menacée des anciens se trouve projetée sous nos yeux.
Jean-Christian Fleury