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Elsa Laurent

Battements

Située à l‘intersection des plaques tectoniques européenne et américaine qui s’écartent de quelques centimètres chaque année, l’Islande est composée majoritairement de volcans en activité et secouée par de fréquentes secousses sismiques. L’île, entièrement volcanique, semble en perpétuelle formation/déformation/reformation. Immergé dans ses paysages, l’être humain se trouve confronté à un écho vivant de son monde intérieur en même temps qu’à une pure minéralité qui le renvoie à une autre échelle temporelle, hors des repères humains habituels, tout comme les distances astronomiques se situent hors de notre échelle spatiale.

Elsa Laurent est allée arpenter ces paysages façonnés par les forces telluriques alors qu’elle venait de travailler durant plusieurs mois avec les patients d’un centre psychiatrique ; avec la collaboration d’une danseuse, elle tentait de les amener à retrouver la perception de leur corps et l’élan vital qu’ils avaient perdu sous l’effet des médicaments et de l’internement. Cette pulsation intérieure, elle l’a retrouvée à l’échelle géologique sur les volcans et les glaciers islandais à l’aspect organique, dans cette respiration d’un corps-paysage en perpétuelle mutation, dans cette peau basaltique marquée de cicatrices et de rides. Pour retranscrire ces formes, elle a tenté de se fondre dans les forces qui les ont générées.

Les images qu’elle en a rapporté nous plongent au cœur de cette matière vivante d’où s’échappent des fumerolles, des geysers, où se lisent les tensions et les compressions qui travaillent la roche, la convulse, la stratifie. Ici, tout est en continuel recommencement, tout évoque l’origine du monde, d’un monde d’avant la séparation des éléments, alors que la terre, l’eau et le feu ne faisaient qu’un. Les repères d’échelle se brouillent, et la matière photographique se confond avec celle du magma.
Cette perte des repères interroge la notion même de « paysage ». Les fragments de nature qu’a découpés Elsa Laurent ne répondent plus à l’ordonnancement que l’on attend de ce genre. Ces espaces au graphisme abstrait composent un univers profondément étranger, qui défie nos habitudes, nous renvoient à une mémoire subconsciente d’avant notre naissance.

Jean-Christian Fleury