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  • © Fabien Dupoux

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Fabien Dupoux 

Les Oubliés de la mondialisation

Depuis quinze ans, Fabien Dupoux les photographie un peu partout dans le monde. En Inde, aux Philippines, en Indonésie, il va à leur rencontre, documentant leur labeur. Leurs gestes, leurs visages, les lieux  où ils travaillent témoignent de l’effroyable condition qui leur est imposée.
Qu’ils peinent dans des mines de charbon ou de soufre à ciel ouvert, dans des carrières de granit, dans des ports voués au démantèlement des cargos hors d’usage, dans des usines sidérurgiques ou dans de gigantesques décharges publiques, ces hommes, ces femmes, parfois ces enfants, saisis dans leur labeur quotidien, offrent une image qui semble universelle, figée de toute éternité, comme remontée de l’Antiquité. Aux prises avec la matière brute, vendant leur force de travail (au sens le plus concret), ces travailleurs de force semblent participer d’une même scène, où les corps sont tendus dans l’effort, livrés à la chaleur et à la poussière, déformés par la répétition des mêmes gestes, rendus parfois à eux-mêmes le temps d’un bref instant de répit. L’emploi du noir et blanc, de la contre-plongée, le regard constamment respectueux et admiratif que porte sur eux le photographe contribuent à donner à ces « oubliés de la mondialisation » une dignité, une visibilité et une unité qui est celle de leur place au sein de l’économie mondialisée.
« Ces hommes sont partie intégrante de notre société. … Quelques soient les conditions, regarder ses semblables au fond des yeux semble une question de décence, de respect, un acte de justice», explique Fabien Dupoux. Effectivement, nous dépendons d’eux au quotidien : ils extraient le soufre qui entre dans la composition de nos médicaments, ils réparent nos bateaux, recyclent nos déchets. Ces invisibles et nous-mêmes appartenons au même système qui nous lie et dont nous nous situons aux deux extrémités.
Vaste projet que celui qui consiste à mettre à l’honneur ceux qui, à l’autre bout du monde, œuvrent à l’écart des regards… pour notre plus grand bien. De toute évidence, ce projet est aussi l’engagement d’une vie. 

Jean-Christian Fleury