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  • © Daesung Lee 

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Daesung Lee

Futuristic Archeology

Les problèmes soulevés par la mondialisation de l’économie et la crise écologique qui en découle sont au centre du travail de Daesung Lee. Ce photographe sud-coréen s’attache à mettre en lumière les conséquences des changements climatiques en cours, souvent peu visibles en raison de leur lenteur. Rendre visible ce qui ne l’est pas encore pour susciter une prise de conscience collective : tel est son propos. Après avoir fait poser les habitants de l’île indienne de Ghoramara menacée de submersion dans une vingtaine d’années, c’est dans une Mongolie confrontée à la désertification qu’il a réalisé Futuristic Archeology. Le nomadisme,  inscrit depuis des siècles dans la culture du pays, se trouve en but à l’urbanisation, à la disparition des lacs, des rivières et des pâturages ; à ces causes climatiques viennent s’ajouter l’effet dévastateur dû à  l’élevage intensif des chèvres, particulièrement agressives envers les arbustes, qui remplacent moutons et bovins pour satisfaire la demande du marché occidental en laine de cachemire.

Daesung Lee nous propose ici des vues bucoliques de bergers mongols en habits traditionnels faisant paître leurs moutons ou leurs chevaux dans des paysages encore verts. Ces scènes photographiées dans des territoires demeurés fertiles sont transposées dans des zones désertiques et s’offrent à nous comme des tableaux exposés dans un musée qui serait sorti par miracle du désert… A moins qu’il ne s’agisse d’un mirage prémonitoire : celui d’une préfiguration de ce qui attend le reste de la Mongolie et, plus largement, de l’humanité. Non sans humour, un humour assez sombre, le photographe muséifie la réalité et brouille les limites entre réel et  fiction : ainsi, les bergers qu’il fait poser sont-ils d’anciens nomades qui ont dû renoncer à leur vie traditionnelle et rejouent leur vie passée ; ainsi, le point de fuite du paysage réel – celui vers lequel nous allons - se confond-il avec celui de l’image enchâssée - celui d’où nous venons. Peut-être faut-il y voir une invitation à prendre cette expression « point de fuite »  avec un nouveau sens, celui de « point qu’il faut fuir ». De même, il bouscule la temporalité en nous livrant une vision archéologique du futur où avenir et passé s’invitent  dans un présent en sursis.

Jean-Christian Fleury