Chroniques Nomades 2020
Ce que nous avons à perdre ...
Le festival Chroniques Nomades interroge depuis plus de vingt ans les rapports que la photographie, depuis son origine, entretient avec le voyage. Investigation documentaire, témoignage, quête de soi-même ou d’un ailleurs plus ou moins idéal, le voyage est une manière d’être au monde en se confrontant à la différence, celle des hommes comme celle des climats. Pourtant, aujourd’hui, un même constat s’impose, en quelque point du globe que l’on se trouve : parallèlement à la mondialisation économique et culturelle et à l’uniformisation qu’elle entraîne, l’état de santé de notre planète s’avère partout alarmant. Les activités humaines, même les plus enracinées dans nos habitudes, doivent être repensées. Il n’est pas jusqu’au voyage lui-même qui ne soit remis en cause dans sa version touristique de masse, comme facteur de pollution à la fois de l’atmosphère, de l’environnement mais aussi, des équilibres humains locaux.
Pour cette cinquième édition à Auxerre, Chroniques Nomades a donc souhaité rassembler des travaux qui, sous des approches formelles différentes, nous rappellent ce que recouvre le terme si galvaudé de « nature ». Ce qui est interrogé ici, derrière la banalité du propos, c’est le rapport étonnamment intime que nous entretenons tous avec les éléments, la glace, le sable, avec les mondes végétal et animal, avec le paysage.
« Ce que nous avons à perdre », ce sont les icebergs dont Michel Rawicki célèbre la beauté sculpturale, les glaciers des Alpes dont Aurore Bagarry nous livre un état des lieux; c’est la forêt primaire où Laurent Gueneau est allé s’immerger en Australie, ou l’intime relation, captée par Jean-François Mutzig, qui unit depuis des siècles l’éléphant d’Asie à son cornac; c’est la richesse infinie de la biodiversité dans laquelle Arnaud Vareille plonge pour égarer nos certitudes; c’est une certaine image de notre Terre vue depuis l’espace, lorsqu’elle ne portait pas encore les stigmates que l’homme lui inflige et qui sont désormais visibles dans les images satellitaires que Marie-Hélène Le Ny a collectées.
Face à l’obsolescence programmée du monde, ces photographes nous restituent ce patrimoine commun de l’humanité, si précieux et désormais si menacé.
Claude Geiss - Directeur artistique