Auxerre 2019
Fidèle à cette idée que l’Ailleurs n’est pas qu’exotisme, qu’en dépit de l’uniformisation mondialisée, la découverte de l’Autre reste l’une des grandes aventures, le festival Chroniques Nomades continue, depuis plus de vingt ans, à interroger La photographie du Voyage : celle qui a fait du déplacement, proche ou lointain, réel ou imaginaire, la condition même d’une mise en perspective des cultures, d’un regard authentique sur l’Autre et, souvent, d’une exploration personnelle de l’auteur, d’une interrogation sur sa propre identité.
Ce sont ces positions par rapport au monde et à eux-mêmes qu’illustrent les photographes réunis à l’occasion de cette quatrième édition à Auxerre.
Pour les uns, il s’agit de partir à la recherche de l’altérité, de pénétrer un monde éloigné du nôtre, dont l’existence est souvent menacée et dont il faut préserver la mémoire.
Pierre de Vallombreuse chez les Palawan des Philippines où il séjourne depuis plus de trente ans, nous convie à partager l’évolution de leur mode de vie ancestral tandis que Hans Silvester, chez les peuples de la vallée de l‘Omo en Éthiopie, nous permet de contempler leurs pratiques artistiques de peinture corporelle qui n’est pas sans évoquer les œuvres de certains de nos artistes contemporains.
En se rendant sur les traces de Misuzu Kaneko, au sud du Japon, Jacqueline Salmon nous fait pénétrer dans l’univers personnel de écrivaine du début du XXe siècle, célébrée dans son pays mais inconnue en France. En s’embarquant, lui, pour Cuba en 1961, Luc Chessex est parti à la rencontre d’une idée (d’une illusion ?), celle de la Révolution castriste, qu’il a pu confronter à la réalité complexe de son déroulement dont il a été à la fois témoin et acteur.
Pour d’autres photographes, la confrontation avec un territoire est l’occasion d’une introspection. Plongée dans l’univers minéral du paysage islandais, façonné par les forces telluriques, Elsa Laurent a retrouvé l’écho vivant de son monde intérieur.
Juliette Agnel, face à la présence colossale et irréelle des Icebergs du Groenland, s’est plu à imaginer une muraille défendant une citée inconnue dont l’origine se situe dans ses lectures d’enfance.
A l’opposé du dépaysement des voyages lointains, la plongée dans leur propre terre natale est l’occasion pour d’autres photographes d’une exploration de soi-même, et plus précisément de leur identité et de leurs attaches avec leur pays d’origine.
Pierrot Men a passé sa vie à documenter son île, Madagascar, au point qu’il a l’impression, lorsqu’il photographie des paysages ou ses compatriotes au travail, d’enregistrer ses propres souvenirs.
Bogdan Konopka, lui, a passé quarante années de sa vie en France ou en voyage mais est retourné régulièrement dans sa Pologne natale : il a extrait de ces quarante années d’images polonaises un portrait subjectif de son pays qui constitue aussi l’ébauche d’une autobiographie.
Confrontés à des cultures lointaines, à des territoires et des paysages inconnus, ou à l’inverse à une contrée si familière qu’ils s’y identifient, les photographes réunis ici ont en commun, par-delà le besoin impérieux qui les pousse à partir, de s’interroger sur la part d’eux-mêmes qu’ils poursuivent.
Claude Geiss,
Directeur Fondateur de Chroniques Nomades